A partir du 16 mars, le Palais des Congrès de Nouakchott accueille un colloque sur le thème : « Faire de la lutte contre l’esclavage: un combat commun et consensuel entre les Sociétés Civiles et les Gouvernements des pays du Sahel ». Événement sans précédent, conçu par le célèbre abolitionniste Hon. Biram Dah Abeid et organisé par l’IRA Mauritanie qu’il préside, le Colloque se déroulera sur deux jours sous le haut patronage du Président de la République Islamique de Mauritanie, Son Excellence Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Participent à l’événement les représentants d’associations et d’ONG anti-esclavagistes de plusieurs pays d’Afrique et le Réseau G5 contre l’esclavage qui, depuis des années, est le principal cadre de concertation pour les acteurs de la société civile menant la lutte pour l’éradication de l’esclavage dans leurs pays. Les grands abolitionnistes africains d’aujourd’hui, comme les nigériens Ilguilas Weila et Ali Bouzou (ce dernier est également le secrétaire exécutif du G5 Sahel Esclavage), les maliens Ibrahim Ag Idbaltanat et Rhaichatou Walet, le burkinabé Diemdioda Dicko, et bien d’autres, franchissent une étape importante: leurs trajectoires, commencées par les pionniers de l’anti-esclavagisme moderne africain dans les années 1970 et menées souvent dans la clandestinité et souvent à l’étranger, deviennent portés par les dirigeants politiques et les citoyens. Le Colloque de Nouakchott constitue ainsi un tournant dans l’histoire politique de l’Afrique, où les militants qui dénoncent l’esclavage comme un défis majeur et une aberration qui continue d’opprimer et de déshumaniser de larges groupes de personnes considérées comme « esclaves » (et traitées comme telles) sont arrivées à placer leur lutte abolitionniste au centre de l’agenda du gouvernement. Pendant des années marginalisés, et encore parfois persécutés, sur la scène politique ouest-africaine, les militants abolitionnistes reçoivent une reconnaissance officielle à leurs luttes. Ils portent le problème de la résilience de l’esclavage dans les sociétés africaines dans le débat public et amènent leurs gouvernements à assumer la responsabilité de sa résolution, avec le soutien des organisations internationales. Ce tournant est aussi un moment délicat. Lorsque le pouvoir est atteint, de nouvelles difficultés surgissent. L’abolitionnisme européen s’est corrompu lorsqu’il s’est transformé en outil de légitimation de l’impérialisme. Le défi pour les abolitionnistes africains est de faire mieux. L’expérience nationale de lutte anti-coloniale ainsi que les trajectoires personnelles de militantisme des hommes et des femmes actuellement à Nouakchott suggèrent aujourd’hui qu’ils réussiront à faire avancer une lutte nationale et sous-régionale, certes, mais aussi mondiale. Aujourd’hui, ce sont eux qui sont en première ligne des efforts mondiales séculaires pour supprimer l’une des institutions les plus anciennes et les plus débilitantes de l’histoire de l’humanité.
English translation
From March 16th, the Palais des Congrès in Nouakchott is hosting a symposium on the theme: « Fighting against slavery: a common and consensual fight between Civil Societies and the Governments of the countries of the Sahel ». Unprecedented event, conceived by the world famous abolitionist Hon. Biram Dah Abeid and organized by IRA Mauritania, which he presides, the Colloquium will take place over two days under the high patronage of the President of the Islamic Republic of Mauritania, His Excellency Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani. Participating in the event are representatives of anti-slavery associations and NGOs from several African countries and the G5 Network against Slavery, which for years has been the main framework for civil society actors leading the fight for the eradication of slavery in their countries. The great African abolitionists of today, such as the Nigeriens Ilguilas Weila and Ali Bouzou (the latter is also the executive secretary of the G5 Sahel Slavery), the Malians Ibrahim Ag Idbaltanat and Rhaichatou Walet, the Burkinabe Diemdioda Dicko, and many others, have reached a milestone as their trajectories, started by the pioneers of modern African anti-slavery in the 1970s and carried out often underground and often abroad, are endorsed by political leaders and citizens. The Nouakchott Colloquium constitutes a turning point in the political history of Africa, where activists who denounce slavery as a major challenge and an aberration that continues to oppress and dehumanize large groups of people considered « slaves » (and treated as such) have managed to place their abolitionist struggle at the center of the government’s agenda. For years marginalized, and still sometimes persecuted, on the West African political scene, anti-slavery activists receive official recognition for their struggles. They bring the problem of the resilience of slavery in African societies into the public debate and lead their governments to take responsibility for its resolution, with the support of international organisations. This turning point is also a delicate moment. When power is attained, new difficulties arise. European abolitionism became corrupted when it turned into a tool for legitimizing imperialism. The challenge for African abolitionists is to do better. Their countries’ experience of anti-colonialism as well as the personal trajectories of militancy of the men and women of Nouakchott today suggest that they can succeed in advancing a national and sub-regional struggle, certainly, but also a global one. Today, they are the humanitarian actors at the forefront of centuries-old global efforts to eradicate one of the oldest and most debilitating institutions in human history.